Un sociologue au lycée Berthollet : Stéphane BEAUD
Le lycée Berthollet a eu l’honneur d’accueillir Stéphane BEAUD, sociologue et professeur à Sciences Po Lille, pour deux conférences le jeudi 19 mai 2022. Sous l’initiative des professeurs de SES et notamment de Mme DOMIN, Stéphane BEAUD est venu en salle Poly 4 afin d’effectuer des conférences et d’échanger avec des classes de Première et de Terminale (ayant la spécialité SES). Il y a présenté son ouvrage La France des Belhoumi : Portraits de famille (1997-2017) basé sur une enquête de terrain. Ce livre raconte “l’histoire d’une famille ordinaire d’origine algérienne”, tel que nous l’a décrit le sociologue, dans une France bousculée par l’affirmation religieuse, la montée de l’extrême droite et les attentats de 2015.
Une conférence forte de ses apprentissages
Suite à une courte présentation effectuée par un ou une élève, Stéphane BEAUD a présenté son parcours et expliqué comment il était possible de cumuler les statuts de professeur dans le supérieur et d’enquêteur en sociologie. En effet, lorsque l’on n’a que deux à trois matinées de cours dans la semaine, il reste du temps pour approfondir d’autres sujets. Les trajectoires des milieux populaires sont un sujet qui l’attire particulièrement, dans l’objectif de (enfin) leur donner la parole dans la sphère publique. Il guette ainsi régulièrement les occasions d’enquête. Il a cependant montré la nécessité de “refroidir l’objet”, c’est-à-dire de se mettre à distance de l’actualité chaude qui touche le plus souvent ces groupes sociaux afin de conserver un regard neutre. M BEAUD a contextualisé son ouvrage (indépendance de l’Algérie et hausse de l’immigration en France en 1962 dûe à la baisse de l’économie algérienne) et nous a donné un petit cours de méthodologie sur l’importance des données statistiques, même si l’on n’apprécie pas toujours les analyser.
Comment fait-on une enquête sociologique ? Pour la petite histoire, l’enquête sur les Belhoumi (qui est un nom d’emprunt) a germée de façon très “inopinée”. Suite à une conférence sur les trajectoires des jeunes, trois jeunes femmes ont tenu à discuter avec Stéphane BEAUD : la plus âgée d’entre elles avait commencé par “Merci pour ce récit. Ca nous a fait du bien.”. Les trois sœurs cadettes se trouveront par la suite être les alliées indispensables du sociologue auprès du reste de la fratrie (notamment Samira, la plus âgée). L’enquête sociologique prend de la matière pendant 4 ans au fur et à mesure des rencontres, des discussions autour d’un café et des échanges de mails.
Stéphane BEAUD relate les parcours scolaires et professionnels des huit enfants en émettant une distinction entre les genres. Les deux sœurs aînées jouent le rôle de “locomotives” de la fratrie, les trois frères suivants sont moins incités scolairement et ont parfois des parcours plus chaotiques, et les trois sœurs cadettes qui cherchent à se démarquer et grandissent dans un contexte plus marqué par la religion. Filles d’un ouvrier et d'une mère au foyer, les femmes de la fratrie effectuent des études supérieures et appartiennent aujourd’hui à la catégorie des “professions intermédiaires”. On voit donc une ascension sociale objective, mais rappelons qu’en réalité “il n’y pas d’ascension sociale, il y a des escaliers [et] on monte les marches”. Conscient de ce fait, le père Belhoumi incite ses enfants à s’investir dans l’école, afin de leur permettre de ne pas reproduire son propre schéma social : “travailler avec le stylo, pas avec la pioche”. M BEAUD nous décrit également les phénomènes de socialisation interne à la famille autant scolairement que politiquement. Les figures des deux grandes sœurs (Samira et Leïla) sont des exemples à suivre pour le reste de la fratrie. Azzedine (le deuxième frère, quatrième de la fratrie) avait déclaré “je vais voter ce que ma sœur Leïla me dit de voter”.
Un moment d’échange et de partage
Cette rencontre s’est également avérée être un moment d’échange important. Suite à la présentation, les élèves ont pu poser de nombreuses questions à Stéphane BEAUD. Le rapport à l’Algérie que les enfants Belhoumi transmettent à leurs propres enfants, les réactions de la famille lors de la publication du livre, la relativité de la notion de “réussite” scolaire et sociale sont quelques-uns des sujets abordés dans la dernière demi-heure. Les élèves ont ensuite rempli un questionnaire (certains avec plus d’inspiration que d’autres), que Stéphane BEAUD utilisera peut-être dans l’une de ses prochaines publications ?
Eloïse BRETHES , élève de terminale du lycée Berthollet