Les étudiantes et étudiants de CPGE littéraire spécialité cinéma rencontrent une réalisatrice
Monsieur Vernin, professeur d’histoire et d’histoire des arts que nous remercions, nous a permis de rencontrer Camille Authouart, réalisatrice de film d’animation, dans le cadre d’une intervention auprès de ses élèves.
Pour Mme. Authouart, le choix du cinéma d’animation ne s’est pas immédiatement imposé comme une évidence. Après un bac ST2A (arts appliqués), elle passe le concours très sélectif de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris. C’est après une L1 générale dans les différentes pratiques artistiques qu’elle choisit de se spécialiser en animation sur les conseils d’une amie. En effet, comme elle le décrit elle-même, le domaine de l’animation est celui qui permet de toucher au plus grand nombre de techniques.
Elle en sort diplômée en 2013 après la réalisation d’un projet de fin d’études: Mélodie pour Agnès. Ce projet utilise la technique de la pixilation, qui consiste à prendre des photos et à créer du mouvement en les faisant défiler à la manière de la stop-motion. À la différence de cette méthode, la pixilation utilise pour sujets de vraies personnes.
Le choix de la technique d’animation apparaît à la réalisatrice comme quelque chose de déterminant, au-delà de l’esthétique. Il faut adapter la méthode d’animation au propos et au public du film. Sa filmographie, essentiellement composée de films de commande et d’un projet personnel achevé en 2022, présente un large panel de techniques différentes. Cela lui permet d’être polyvalente et de ne pas se cloisonner à un seul style.
Ses productions sont à destination de publics divers. Tout d’abord, elle réalise des projets de commande. Elle approche la télévision à l’aide d’un appel à projet en 2009 par France 3 pour un programme court appelé En sortant de l’école.
L’émission adapte des poèmes en animation, et c’est sur Les Oiseaux du Souci de Jacques Prévert que porte son court-métrage. Le choix de ce poème, qui parle du deuil, pose ici la question de la technique à adopter. Comment aborder un sujet aussi délicat et complexe pour un public de jeunes enfants ?
C’est ici que le choix de la technique prend son importance. En utilisant des marionnettes en forme d’animaux anthropomorphiques, le message est touchant et mélancolique. L’utilisation de textiles permet également de donner une atmosphère douce à un film sur un sujet lourd.
Le style est adapté au propos
Son premier film personnel n’arrive qu’en 2022 et s’intitule La grande arche. Ce film, bien plus intime que les précédents, est un projet de longue haleine. En effet, de nombreuses étapes jalonnent la production d’un film, de son écriture à sa réalisation.
Comme l’explique Camille Authouart, il aura fallu quatre ans pour que le projet arrive à son terme. Si le délai peut sembler long, il faut garder en tête qu’il y a de nombreuses phases avant la réalisation concrète. Il faut par exemple trouver des financements, ce qui n’est pas chose aisée. La réalisatrice a dû proposer son projet à différents acteurs financiers afin d’avoir les fonds nécessaires pour concrétiser le film. Par exemple, la région Auvergne-Rhône Alpes a mis de l’argent dans le court-métrage. Les sommes nécessaires à la réalisation d’un film d’animation peuvent rapidement s’avérer élevées. Par exemple, le court-métrage Au dodo les crocodiles réalisé pour France 5 est d’une durée de seulement quelques minutes, sans dialogue. Son montant se situe pourtant entre 100 000 et 150 000 €.
Ensuite, ce qui explique la durée entre l’écriture et la réalisation est tout simplement le fait qu’être à temps plein sur un projet personnel est complexe. Il y a les commandes à réaliser à côté, que ce soit pour la télévision ou Internet. Par exemple, en 2018, soit la même année que le démarrage de la préparation de La grande arche, Camille Authouart est prise sur un projet de RFI (Radio-France Internationale) qui consiste à illustrer une vidéo sur la soi-disant manipulation des médias italiens. Cette vidéo est à destination d’Internet, montrant que l’animation peut se décliner sous différentes formes et pour différents médias.
Une fois les dossiers pour le financement préparés et l’argent reçu, le film écrit et parfaitement planifié, vient l’étape de la réalisation. Sur les quatre ans durant lesquels le projet a été mis sur la table, seule une année aura été nécessaire à sa réalisation. Il y a en vérité beaucoup de préparation pour assez peu de tournage en comparaison.
Encore une fois, ce projet fait appel à différentes techniques d’animation. Les décors sont faits avec des dessins sur papier, mais les personnages sont numériques. La réalisatrice joue avec les lumières, les reflets, pour donner un film véritablement dynamique et esthétique, en alternant de manière symbolique avec le jour et la nuit, le réel et la fiction. Les influences picturales sont également nombreuses, et la réalisatrice joue avec les œuvres d’art présentes dans le quartier de la Défense où se situe le film. En mêlant ainsi un lieu réel et une histoire en partie inventée, Camille Authouart enchante la réalité pour en livrer une vision onirique.
Le cinéma d’animation a encore de beaux jours devant lui. Le milieu est plein d’activités et de talents émergents, et la jeune réalisatrice est confiante quant à l’avenir de son métier. Cependant, elle considère qu’il reste encore des progrès à faire. En effet, comme dans le monde du cinéma en général, il faut aller vers plus d’intégration envers les femmes, dans un milieu encore largement masculin.
Les étudiantes et étudiants de CPGE littéraire spécialité cinéma